Sylvie Orsini, romans

Un lys dans la brume

Les Geais Editions

Imprimé en décembre 2013

Le synopsis

“L’autre Déborah” qui sommeillait en elle avait pris le dessus : la Déborah impulsive, irréfléchie, têtue et sentimentale l’incita, à tout prix, à vouloir retrouver son papa. Elle en était arrivée à se persuader qu’il suffirait de le désirer ardemment pour que ce rêve se réalise, et elle le désirait vraiment, intensément, absolument. C’est pourquoi… elle y parviendra.
Elle essaya de se convaincre, une fois de plus, que tous les êtres aimés finiraient par lui pardonner cette folie. Elle crut que ce pardon serait plus facile si elle retrouvait d’abord son père, parce qu’alors, ils seraient obligés de convenir que, malgré son audace et son inconscience, elle avait réussi.

Vendredi soir, vingt heurs trente. Déborah prit son sac à dos, jeta un ultime coup d’oeil à sa chambre avant de refermer la porte derrière elle et partit… vers l’inconnu.

Sylvie Orsini

Sylvie Orsini

A quarante-cinq ans, “Meilleur Ouvrier de France” dans l’Art de la faïence, elle troque les pinceaux pour la plume. Italienne d’origine, elle réside à Folelli, en Corse, depuis vingt-cinq ans, à l’orée de la Castagniccia. Elle y partage ses passions avec son mari et ses deux enfants.

Notes de l’auteure

Écrire la suite de « Et si vous disparaissiez… » a été un véritable défi. Tout comme pour le premier roman, je me suis heurtée, bien évidemment, à mon pessimisme habituel, croyant ne pas y parvenir, d’autant plus que le récit se déroulait dans un pays qui m’était complètement inconnu. Pour ne pas faire simple, j’avais délibérément choisi, dans mon premier roman, de laisser le lecteur dans l’expectative d’une suite, avant même de savoir si allais être capable de la développer. Défi personnel venant troubler mon subconscient ? Peut-être. J’avoue que j’ai été confrontée à de véritables moments de panique face à mon ordinateur.
Quand bien même, j’aie été aidée et soutenue, il m’a fallu créer de toutes pièces une nouvelle fiction, avec de nouveaux personnages, dont j’avais l’exclusivité.
Oh my gosh ! aurait dit Brendon, comme ce métier est difficile !
Mais qu’est-ce qui m’a pris de me lancer dans cette aventure ? J’étais si tranquille avant que tous ces personnages ne viennent monopoliser mon esprit et avec quelle immodestie, et quelle exigence, ils se sont mis à s’approprier non seulement une partie de mes jours, mais aussi une partie de mes nuits.
C’est pour cela que je remercie chaleureusement mon époux, mes enfants, mes parents et tous mes amis pour la grande patience dont ils ont fait preuve durant ces longs mois d’écriture à la maison, car à certains moments, c’est comme si je m’étais téléportée pour aller vivre sur une autre planète.
Je ne remercierai jamais assez mes lecteurs qui, par leurs nombreux courriels enthousiastes, coups de fil et lettres, m’ont incitée à poursuivre après la lecture de mon premier roman.
J’espère ne pas vous avoir déçus et il ne tient qu’à vous de me pousser plus avant encore, pour que l’aventure continue.

Extraits du roman Un Lys dans la brume

4
Confrontation.

À une bonne encablure du port, la pilotine paraît s’accrocher comme une sangsue à la coque du navire dont les puissants moteurs frémissent à peine. Quelques volutes noirâtres s’élèvent des grandes cheminées, dispersées lentement par la brise de terre. La ” bête ” ouvre alors son ventre, et l’homme disparaît au coeur de ses entrailles. Elle se laisse posséder l’espace d’une trentaine de minutes. Docilement, elle est guidée vers le quai par le nouveau commandant.
C’est toujours avec la même fascination que j’observe cet accostage ; comme inversement, je ne me lasse pas non plus d’admirer l’arrivée des navires au port de Bastia.
Le spectacle vu du boulevard du Fango a quelque chose de magique, d’irréel. Les bateaux paraissant plus haut que les grandes bâtisses du début du siècle semblent obstruer la rue de la poste. Leurs coques jaunes et noires ou bleues et blanches sont comme d’immenses fleurs venues éclore aux abords de la ville, leurs racines baignant dans la mer ; avec indiscrétion, une certaine impudeur même, elles pénètrent dans son intimité, se mélangent à la cité, affichent des rangées de points noirs qui sont maintenant autant de fenêtres ouvertes sur la rue et le port. Des passagers en quête d’une vue imprenable sur la place Saint-Nicolas arpentent les ponts ou sont accoudés aux rambardes de leur balcon géant.
Au fur et à mesure du temps, s’harmonisant avec leur époque, les bateaux ont changé d’aspect, mais ces sempiternels bonjours et au revoir adressés à la ville, qui se perpétuent depuis des siècles, ne semblent pas lui déplaire. Elle demeure sensible à leur charme, se fait de plus en plus séduisante.
Pour le passager à pied, une fois sorti du bateau, il lui suffit de parcourir quelques dizaines de mètres pour se retrouver en plein coeur de Bastia et, pourquoi pas, aller savourer un petit café, confortablement installé à l’une des terrasses de la place Saint-Nicolas.

*

Je n’ai eu de cesse de songer à Déborah pendant ces dernières heures. Avec mon amie Émilie, les retrouvailles devaient être joyeuses, mais non, au contraire, je n’ai pas arrêté de lui exprimer tout mon chagrin, et surtout, mes regrets. Elle m’a patiemment écoutée, me rassurant sur tout le bien que nous avions pu faire, à cette enfant, mon mari et moi, ajoutant que, quels que soient les reproches que l’on pourrait nous adresser, ils ne seraient pas justifiés. Ces paroles m’ont encouragée, mais je sais pertinemment que la confrontation avec Déborah ne sera pas chose facile étant donné la distance qui nous sépare ; elle est maintenant en possession de la première lettre de son père ; elle sait désormais, que dix ans auparavant, il avait dû faire un choix douloureux ; celui de partir en me demandant de garder sa fille. Elle apprend également à travers ces quelques lignes qu’il reconnaît être responsable de la disparition de sa mère Hélène. Qu’a-t-elle bien pu imaginer, ma chère Déborah, en lisant les mots déchirants de son papa ?
En ce qui me concerne, elle doit surtout se demander comment je suis entrée dans sa vie, devinant à travers les paroles de son père qu’il y a eu une contrainte. Elle ne connaît pas encore toute la vérité, mais combien tout cela a dû la bouleverser ! C’est certainement la raison de son mal-être de ces derniers jours. J’en suis sûre ; et malgré tout, je ne comprends pas son silence. Je suppose aussi que, c’est avant notre départ qu’elle prit pareillement connaissance du contenu de la deuxième lettre de Richard récupérée à Genève. Cette lettre, en effet, je l’avais sortie de mon portefeuille la veille du départ, car après une longue discussion à propos de ce courrier, Jacques et moi avions décidé d’en faire part au commissaire Valentini. Je l’avais rangée rapidement dans mon sac sans prendre soin de la remettre à sa place habituelle. C’est donc, pendant la traversée, ou juste avant de partir qu’elle m’avait été subtilisée, pensant peut-être que je ne m’en serais pas aperçue de sitôt, car ignorant mon intention de rendre visite à Valentini.

*

La musique diffusée par les haut-parleurs annonce qu’il est temps de regagner les garages pour rejoindre les véhicules et se préparer au débarquement. Comme d’habitude, l’ascenseur est pris d’assaut ; les passagers serrés les uns contre les autres se partagent l’espace avec leurs bagages encombrants. Les portes inoxydables coulissent, et tout ce petit monde disparaît à ma vue ; je me dirige vers l’escalier.
Une fois installée dans le véhicule, j’attends avec impatience que les portes s’ouvrent enfin pour permettre aux passagers à pied et aux voitures de quitter le navire. J’ai du mal à supporter la chaleur étouffante qui règne dans les garages, moiteur rehaussée, hélas, par l’odeur asphyxiante des gaz émanant des tuyaux d’échappement de quelques véhicules déjà en marche. Apparemment, certains conducteurs pressés de regagner la terre ferme, n’ont pas encore compris qu’ils n’avanceront pas plus vite pour autant, mais en attendant, ils nous font bien profiter d’une bonne bouffée de monoxyde de carbone, agrémentée de benzène et d’un zeste de dioxyde de souffre… un vrai régal pour les poumons ! L’idée de gaspiller de l’essence, substance pourtant, oh combien précieuse à notre époque ne les décourage même pas ! Que faire, à part compter les interminables minutes d’attente en maudissant ces actes d’incivisme ? Il est presque vingt heures. J’appellerai Déborah aussitôt débarquée.
En plein mois de juillet, tous les bateaux à destination de la Corse sont bien remplis, et celui-ci n’échappe pas à la règle, ce qui fait qu’il faut un peu plus de temps pour quitter le navire.

*

« Allô ! Déborah…
– Oui, maman. Bonsoir. J’étais sur le point de t’appeler. Où es-tu ?
– Je viens enfin de débarquer ! Mais ça y est ! Tout va bien…, je suis en Corse. Et toi, as-tu fait un bon voyage, ma fille ? – Oui, un excellent voyage.
Sa voix enthousiaste retentit dans l’appareil.
– J’aurais déjà plein de choses à te raconter à propos d’Izmir, de la cuisine turque, du marché que nous avons visité et de l’endroit ravissant où habitent mamie et papy, mais je crois que je vais tout mettre par écrit. Oui, je vais faire un journal de bord de chaque étape de mes vacances, comme ça vous pourrez tous le lire et découvrir à votre tour ce beau pays. Qu’en penses-tu, maman ?
– Je pense que c’est une excellente idée, Déborah.
J’hésite une fraction de seconde, mais je me dis qu’il vaut mieux crever l’abcès dès maintenant. Pourquoi attendre ? Après tout, ça ne sera jamais vraiment le bon moment…, celui qu’on appelle ” moment idéal “! Je ne peux pas patienter non plus jusqu’à son retour pour lui en parler. Ne connaissant pas les intentions de ma fille, je ne voudrais surtout pas, regretter un jour, ce nouveau silence.
– Mais…, à propos d’écrits…, y a-t-il peut-être quelque chose que tu aurais oublié de me dire, ma chérie ?
– …
– Déborah ! Tu es toujours là ?
– Qu’est-ce que tu veux savoir, maman ?
Sa voix sèche a pour effet de me refroidir d’un seul coup.
– Déborah, je sens que tu n’as pas vraiment envie de m’en parler, et puisque c’est ainsi, bien que tu saches où je veux en venir, je ne vais pas y aller par quatre chemins ! Tu as découvert deux lettres de ton père dans mon portefeuille. Tu les as lues, en apprenant ainsi des choses qui t’ont sûrement attristée et bouleversée, mais tu as préféré ne rien me dire. Pourquoi, ne l’as-tu pas fait, Déborah, au lieu de garder ce poids pour toi ?
– …
– J’aurais pu ne jamais savoir que tu avais pris connaissance du contenu de ces lettres, si tu n’en avais conservé une. Tu devais te douter qu’en agissant ainsi je m’en serais aperçue tôt ou tard. Alors, je te repose la question. Pourquoi ce silence, Déborah ?
– Je pourrais moi aussi te renvoyer la balle, maman ! Pourquoi ne m’as-tu jamais dit la vérité au sujet de mes parents ?
Vexée par ce qu’elle vient de me dire, j’essaie de garder mon calme.
– Déborah, je ne t’ai jamais menti au sujet de tes parents ! Ta maman est morte lorsque tu étais petite et ton père est parti. Est-ce mentir que de t’avoir toujours dit cela ?
Elle ne me répond pas.
– C’est vrai, il y des faits dont tu n’étais pas au courant, mais j’attendais que tu sois plus grande pour te les révéler et pour tout te dire. C’était aussi le souhait de ton père. Te souviens-tu de ce que je t’ai dit ce matin, Déborah. À ton retour de vacances, je voulais te parler de quelque chose de très important. J’ai décidé que ce serait le moment. Je regrette que tu aies appris tout cela de cette façon. Excuse-moi, Déborah, mais je ne pensais pas non plus que tu irais fouiller dans mon portefeuille………..

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